Une mère porteuse est un ange altruiste qui aide d’autres personnes à devenir parents – voilà comment est présentée la mère porteuse par cette agence américaine de GPA (comme par tant d’autres, celle-ci n’est qu’un exemple).
« A surrogate mother is a selfless angel helping others in their quest to become parents. »
La photo qui accompagne les explications sur le rôle de mère porteuse montre le visage souriant d’une jeune femme qui colle contre sa joue une tire-lire dont débordent trois billets de cinq dollars. Que doit-on en comprendre? Qu’un ange altruiste sourit d’aise à côté de quinze dollars?
A lire les critères de sélection des anges altruistes, on commence à comprendre qu’ils doivent disposer de plus de quinze dollars pour avoir la chance de réaliser les rêves d’autrui de devenir parent : en effet, les femmes qui pensent être aussi exceptionnelles que l’exige la GPA ne doivent pas être bénéficiaires de minima sociaux (pauvre? s’abstenir! l’altruisme angélique ne peut vous concerner).
Les choses sont clairement dites quand il s’agit de la rémunération « pour la peine et la souffrance »:
« The total fees you receive are between $35,000-$50,000. Repeat surrogate fees are higher. Keep in mind that this is just an estimate for pain and suffering and reimbursement. If you are solely relying on this as income, this is not the “job” for you. »
Deux choses sont à retenir :
- la peine et la souffrance ont un prix. Il est estimé à l’avance et annoncé. Il s’agit donc d’infliger volontairement à une femme qui n’a pas de désir d’enfant, des actes susceptibles de lui provoquer de la peine et de la souffrance, dans le but de lui faire porter une grossesse, pour qu’elle remette l’enfant à d’autres personnes. Pourquoi? Parce qu’elle le veut. Autrement dit, on paie quelqu’un pour lui infliger de la souffrance. Si on peut détacher le processus de la finalité, cela voudrait dire qu’il est admis de payer aussi en dehors d’une démarche GPA, pour infliger de la souffrance à autrui. Pourquoi pas? Il suffit que la personne l’accepte, et qu’un contrat le stipule.
- « Repeat surrogate fees are higher » – l’expérience paie. Etre mère porteuse à nouveau, rapporte plus que la fois précédente. A une époque où les grandes compagnies américaines paient à leurs employées, en partie ou en totalité, les frais pour l’adoption d’un enfant, ou pour faire congeler leurs ovocytes, voire pour avoir recours à la GPA, à une époque donc où le monde du travail très performant dit aux femmes qu’elles doivent choisir entre maternité et travail, les « femmes exceptionnelles » qui deviennent mères porteuses sont encouragées à l’être plusieurs fois. En achetant leur altruisme angélique et leur souffrance avec des billets verts.
Pourquoi paie-t-on les mères porteuses? Pour les motiver à agir comme « anges altruistes »? L’altruisme a donc un prix? L’angélisme a un prix? Ou bien il s’agit là simplement d’un discours marketing qui peine à cacher l’esclavage sur lequel est basé la GPA
Ana-Luana Stoicea-Deram