Dans son rapport sur les droits de l’enfant en 2017, le Défenseur des droits aborde la question de la gestation pour autrui (GPA) (p. 15).
Le Collectif pour le Respect de la Personne rappelle que :
- la Convention internationale des droits de l’enfant promeut l’intérêt supérieur de l’enfant ;
- et que la France interdit la GPA en raison de l’indisponibilité de l’état des personnes et de la non-patrimonialité du corps humain.
Ainsi le CoRP exprime-t-il sa préoccupation quant à l’emploi, par le Défenseur des droits, de l’expression « parent d’intention », empruntée au vocabulaire des lobbys promoteurs de la GPA, et quant à la manière dont le rapport appréhende l’adoption de l’enfant né par GPA, par le/la commanditaire autre que le père biologique.
Dans une lettre adressée au Défenseur des droits, le CoRP explique les raisons pour lesquelles la pratique de la GPA est néfaste aux droits des enfants et au respect de leur intérêt supérieur, et aux droits des femmes.
« Monsieur le Défenseur des Droits,
Dans votre rapport sur les droits de l’enfant en 2017, vous abordez la GPA transnationale.
Nous sommes très vivement préoccupés par la manière dont ce thème est envisagé dans ce rapport.
Nous sommes préoccupés tout d’abord par le fait que vous ne rappeliez pas que la GPA est interdite en France en raison de l’indisponibilité de l’état des personnes et de la non-commercialisation du corps humain.
De même, rien n’est dit sur la mise de l’enfant sur le marché mondialisé, sur les droits des femmes et le problème de transformation en ressource et leur exploitation.
Nous appelons votre attention sur le fait que la GPA est contraire à de nombreuses conventions internationales de protection des droits humains, entre autres la convention internationale des droits de l’enfant et la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, ainsi qu’il est démontré dans la note ci-jointe. Il s’agit purement et simplement de vente d’enfant au sens du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, qui définit la vente d’enfants comme « tout acte ou toute transaction en vertu desquels un enfant est remis par toute personne ou tout groupe de personnes à une autre personne ou un autre groupe contre rémunération ou tout autre avantage ». Une telle transaction est au cœur même de la GPA, puisque celle-ci repose sur la remise de l’enfant par la mère porteuse à ses commanditaires, en échange d’une rémunération ou « compensation ». Quels que soient les artifices de vocabulaire, cette réalité ne peut être occultée.
C’est ce qu’ont bien perçu de plus en plus de pays victimes de ce nouveau trafic, qui ont fait face sur leur sol à l’exploitation de la misère au profit des riches occidentaux et ont décidé d’interdire purement et simplement la GPA (Thaïlande pour la GPA commerciale, Cambodge), ou au moins de la fermer totalement aux étrangers (Inde, Népal, Mexique).
Nous sommes très préoccupés ensuite par la manière dont vous envisagez les questions d’état civil et d’intérêt de l’enfant. En vous référant à l’intérêt de l’enfant, vous demandez aux autorités publiques de reconnaître le fait accompli, en reprenant le vocabulaire et l’argumentaire juridique des promoteurs de la GPA.
Sur le terrain du vocabulaire, vous insistez à plusieurs reprises sur le « parent d’intention ». Or c’est l’expression inventée par les promoteurs de la GPA pour effacer la réalité qu’est la maternité de la femme qui a porté et mis au monde l’enfant, et lui substituer la seule volonté des commanditaires. Faire de la parentalité une pure volonté permet ainsi de faire sauter toutes les barrières qui empêchent de transformer l’enfant en objet susceptible d’être commandé, acquis ou refusé parce qu’il ne correspond pas à l’ « intention » ou que cette dernière a disparu. Il n’est pas de l’intérêt des enfants de voir leur filiation ainsi trafiquée au gré de la toute puissante volonté des adultes.
Sur le terrain de l’argumentation juridique, vous évoquez les « obligations conventionnelles de la France en matière de reconnaissance et d’établissement de la filiation des enfants nés à l’étranger d’une GPA, notamment à l’égard des parents d’intention », pour exiger la reconnaissance d’un lien de filiation entre l’enfant et le commanditaire autre que le père biologique. Il s’agit là de l’argument utilisé par les partisans de la GPA pour forcer les autorités à entériner leur contournement de la loi. Or, la Cour européenne des droits de l’Homme dans sa jurisprudence Mennesson ne s’est prononcée que sur le cas du père biologique. Elle s’est bien gardée d’imposer à la France de donner un effet plein et entier au contrat de GPA en effaçant la mère porteuse pour lui substituer le conjoint dudit père biologique. Là encore, il n’est pas de l’intérêt de l’enfant de voir la réalité de sa naissance effacée par le droit en exécution d’un plan concerté à l’avance, comme il n’est pas de l’intérêt des enfants sur le plan global de voir les autorités de l’Etat avaliser leur transformation en objets d’échange. Sans compter l’intérêt des femmes à ne pas être considérées comme un outil de production sur ce qui est devenu un gigantesque marché de la procréation.
Vous évoquez pour établir la filiation entre l’enfant et son commanditaire autre que le père biologique le recours à l’adoption, qui semble vous paraître aller de soi. Il s’agit en l’espèce de modifier la filiation maternelle en substituant au lien entre l’enfant et la femme qui l’a mis au monde une filiation avec une personne tierce (le conjoint du père biologique).
Or, comme vous le savez, la convention relative à l’adoption internationale s’applique lorsqu’un enfant résidant habituellement dans un Etat contractant a été, est ou doit être déplacé vers un autre Etat contractant, soit après son adoption, soit en vue d’une telle adoption, ce qui est le cas en l’espèce. Cette Convention, pour éviter les trafics et l’achat de capacités reproductives, prévoit comme règle fondamentale dans son article 4 que le consentement des parents, et en particulier celui de la mère, doit avoir été recueilli après la naissance de l’enfant (interdiction des arrangements préalables), et ne pas avoir été obtenu moyennant paiement ou contrepartie d’aucune sorte. L’existence d’arrangements préalables et de contreparties financières étant au principe même de la GPA, il y a là une incompatibilité flagrante qu’aucun artifice sémantique ou juridique ne peut masquer.
Dans ce contexte, l’urgence n’est pas de faciliter la GPA en laissant instrumentaliser les droits humains au profit des plus riches et au détriment des plus faibles, mais de l’abolir.
C’est ce que recommande le Comité consultatif national d’éthique, qui dans son avis du 15 juin 2017 a pris très clairement position en faveur de l’élaboration d’une convention internationale pour l’interdiction de la GPA.
Une prise de position similaire du Défenseur des droits, autorité indépendante chargée de la promotion des droits de l’Homme, donnerait espoir, non seulement à ceux qui, ici, en France ou plus largement en Europe, défendent les droits des femmes et des enfants à ne pas être réduits en objets de commerce, mais aussi à l’autre bout du monde, aux femmes qui se battent pour que soit mis un terme à cette nouvelle forme d’exploitation.
En vous remerciant vivement par avance pour votre attention, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Défenseur des Droits, l’expression de notre haute considération. »