Monsieur le Président, protégez les femmes des contrats de mère porteuse !

La cinquième section de la Cour européenne des droits de l’homme vient de condamner la France pour atteinte au droit à la vie privée et familiale d’enfants nés à l’étranger en exécution de contrats de mères porteuses, en estimant que le droit français aurait dû reconnaître la filiation à l’égard du parent (en l’occurrence le père) biologique.

 Les conséquences d’une telle décision sont dévastatrices pour l’édifice français de protection de la dignité des personnes et de défense des interdits fondamentaux sans lesquelles aucune société ne peut se prétendre civilisée.

Accepter de transcrire les actes d’état civil étrangers qui donnent effet aux contrats de mères porteuses revient à donner à ces mêmes contrats leur plein effet en France sans presque aucune limitation.

 La Cour fait tomber l’ultime digue érigée par le droit français pour éviter de se voir imposer le marché international des agences mères porteuses.

 C’est bien d’un marché qu’il s’agit, que ce soit aux Etats-Unis, en Inde ou en Ukraine. Les agences, médecins et avocats impliqués touchent des sommes colossales et ce marché est estimé à au moins plusieurs centaines de millions de dollars.

 C’est cette insertion dans le marché mondialisé des corps que la cinquième section de Cour impose à la France.

 Bien plus, la reconnaissance en France des effets de conventions de mères porteuses à l’étranger renforce la pression pour une autorisation de cette pratique sur le territoire de la République. Comment en effet maintenir durablement une telle interdiction s’il suffit de se rendre à l’étranger pour la contourner sans aucun risque de quelque nature qu’il soit ?

Les raisons pour lesquelles la République française, comme de nombreux autres Etats démocratiques, a toujours refusé d’admettre la pratique des contrats de mères porteuses sont connues. Cette mise à disposition d’autrui non seulement de l’utérus, mais également de tout le corps de la femme porteuse ainsi que de son psychisme, est une instrumentalisation, le plus souvent marchande, de la femme qui n’est pas acceptable dans un Etat de droit moderne. Elle porte atteinte tant à la dignité de la femme qu’à celle de l’enfant. L’intérêt supérieur de l’enfant – de tout enfant – est de ne pas être traité comme un objet que l’on peut acquérir ou faire fabriquer.

 Vous avez à de nombreuses reprises confirmé votre ferme opposition à la pratique des mères porteuses.

 Nous avons la plus grande confiance dans votre engagement constant, et c’est pourquoi nous faisons appel à vous.

C’est pourquoi, Monsieur le Président, nous vous demandons, au nom de votre engagement constamment exprimé, de vous opposer publiquement à cette avancée déterminante de l’admission par le droit des contrats de mère-porteuse, ces mères dont les droits sont piétinés, ces femmes pour lesquelles vous avez pris fait et cause en 2013, droits aujourd’hui remis en cause et compromis par la Cour.

Il est concevable de trouver des solutions techniques pour améliorer la situation juridique des enfants présents sur le sol français, sans succomber à ce qui est un triomphe de l’industrie de l’enfantement sur commande, et sans que cela leur coûte le statut d’être humain par la reconnaissance de l’efficacité du contrat de mère-porteuse qui les a désignée comme une chose désirée, commandée et livrée.

Ainsi, la France pourra justifier de ne pas transcrire les filiations car cela serait admettre l’efficacité des GPA à l’étranger et bientôt en France, puisqu’elle aura modifié le statut de l’enfant.

Parce que c’est la défense des femmes et des enfants qui est en jeu, nous vous demandons également de renforcer le dispositif législatif de lutte contre la prospection de clients français par les agences de mères porteuses et de porter un projet de convention internationale visant à prohiber la pratique des mères porteuses et à lutter par le pénal contre cette pratique, à l’image de la convention du Conseil de l’Europe contre la traite des êtres humains.