Demain, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe examine une recommandation émanant du rapport rédigé par Petra de Sutter, bien que ce rapport lui-même ait été rejeté à 19 voix contre 17.
La CADAC, la CLF et le CoRP, inquiètes de cette recommandation, demandent à l’Assemblée de le rejeter, et de rejeter toute forme de maternité de substitution.
L’article « secrets et mensonges de la GPA altruiste » publié aujourd’hui montre la communauté d’intérêts qui existe entre les partisans de la GPA « altruiste », les promoteurs de la GPA « éthique », et les intermédiaires qui vivent du commerce de la GPA « commerciale ». Nous le reproduisons ci-dessous.
Pour aider chacun à analyser les débats sur la gestation pour autrui (GPA), il est utile de savoir ceci: la GPA dite «altruiste» est mise en avant par de nombreux militants et lobbys pro-GPA pour ouvrir la voie à la GPA commerciale.
Pour montrer cela, je mettrai deux faits en évidence.
1. Des militants qui se disent en faveur de la GPA «altruiste» ne le font que comme une étape vers la GPA dite «éthique».
2. La GPA dite «éthique», aux contours flous, c’est en fait la GPA commerciale.
Qu’est-ce que la GPA «altruiste»?
C’est celle où la mère porteuse n’agit que par amour des enfants et des commanditaires. Elle «adore être enceinte», elle est désespérée face au malheur des couples infertiles. Mue «par l’altruisme», elle suit un traitement hormonal lourd, est inséminée, devient enceinte, accouche, puis donne le bébé qu’elle a mis au monde à la, au ou aux commanditaires, dont elle est le plus souvent une «proche» – sœur, fille, mère, femme de ménage ou encore amie intime.
Ce tableau peut impressionner par le don de soi et le «sacrifice admirable» de ces femmes. Il est utilisé largement afin de tenter de convaincre ceux qui ressentent du dégoût à l’idée qu’on puisse délibérément séparer un nourrisson de sa mère de naissance.
Illustrons notre propos par deux exemples de promoteurs de la GPA «altruiste».
Le couple Mennesson a eu recours à une mère porteuse en Californie, qui donna naissance à des jumelles il y a seize ans. Leur mère porteuse, Mary Bailey, assure: «Je n’ai pas été payée pour cela, je ne le faisais pas pour l’argent». L’association C.L.A.R.A., fondée par le couple Mennesson, demande également la légalisation d’une GPA «dans un cadre altruiste» avec «interdiction de rémunération, mais défraiement pris en charge par la collectivité».
Petra de Sutter est gynécologue et dirige un service pratiquant notamment la GPA «sans but lucratif» à Gand en Belgique. Elle se dit favorable à la GPA altruiste: «Je pense que c’est possible, à partir du moment où on est certain que la motivation de la femme est vraiment altruiste et non financière».
Qu’est-ce que la GPA «éthique»?
La GPA «éthique», c’est beaucoup plus flou. Tout dépend de l’éthique de celui qui en parle.
Pour certains il n’est de GPA éthique qu’altruiste ou non rémunérée, comme Élisabeth Badinter. Il faut cependant bien parler de «dédommagement», couvrant les frais même d’une mère porteuse «altruiste». Comme le note le rapport de Petra de Sutter, «il est souvent difficile de distinguer les conventions de maternité de substitution altruistes des conventions de maternité à but lucratif.»
On en conclut que si le montant reçu par la mère porteuse est suffisamment faible, elle est «altruiste», mais que s’il est plus élevé, elle est «à but lucratif».
Aux États-Unis, les mères porteuses sont rémunérées. Delphine Lance l’a montré dans sa thèse: «Les mères porteuses, elles, ne parlent pas d’argent mais quand je leur demandais: «Est-ce que vous l’auriez fait si ça n’avait pas été rémunéré?», elles répondent: «Ah non, non!»».
Certains partisans de la GPA considèrent les GPA commerciales américaines comme «éthiques», dès lors que la femme est consentante et qu’elle reçoit une «juste rémunération». C’est le cas par exemple d’Irène Théry qui a fait l’éloge de GPA américaines ouvertement commerciales (celle à laquelle a eu recours par exemple Sarah Levine: «Moi aussi, j’ai touché de l’argent, dont j’ai fait profiter mon mari et mes enfants» dit Aimée Melton, mère porteuse.)
En dépit de leurs divergences, les promoteurs de la GPA se soutiennent mutuellement. Les promoteurs de la GPA «altruiste» ne critiquent jamais les commanditaires de GPA commerciales. Réciproquement, les tenants d’une GPA «commerciale éthique» soutiennent les artisans d’une GPA «altruiste», comme une étape inévitable. Ainsi, Irène Théry a appelé à soutenir le rapport de Petra de Sutter au Conseil de l’Europe, bien que ce rapport condamne la GPA commerciale. Le dialogue public sur sa page facebook est éloquent: la GPA «altruiste» est une étape vers la GPA «éthique» commerciale.
Secrets et mensonges des promoteurs de la GPA altruiste
La plupart des militants en faveur de la GPA «altruiste» ne la promeuvent que comme une étape vers la reconnaissance de la GPA commerciale.
Nos deux exemples initiaux l’illustrent, à condition de creuser un peu.
Petra de Sutter l’assure: «Je n’ai jamais collaboré et ne collaborerai jamais avec une clinique, que ce soit en Belgique, en Inde ou ailleurs dans le monde, qui applique des procédures de GPA à visée commerciale, car j’ai toujours été clairement et ouvertement opposée à cette pratique.»
Pourtant la clinique indienne Seeds of Innocence proclame: «With the encouragement of IVF pioneer Dr. Petra De Sutter, University Hospital, Ghent, Seeds of Innocence has taken the pledge to promote high standards of training in all areas of ART (Artificial Reproductive Techniques)». Cette clinique pratique explicitement une GPA commerciale dont on peut d’ailleurs douter qu’elle puisse être qualifiée d’éthique par qui que ce soit. Récemment, une autre page du site internet, dédiée aux «clients internationaux» (identifiés comme clients de la GPA) de la clinique Seeds of Innocence, indiquait: «What makes Seeds of innocence unique from other fertility clinics is its collaboration with the department of reproductive medicine of the University Hospital of Ghent, Belgium, represented by Prof. Dr. Petra De Sutter». Comme cela a suscité quelques remous quand cela s’est su, cela a disparu, remplacé par un plus discret: «we provide special training in collaboration with the Department of Reproductive Medicine, University of Ghent, Belguim».
Concernant la mère porteuse du couple Mennesson, il y a en fait deux versions successives de son témoignage. Celui-ci a été publié le 3 juillet 2015 à 10h35, et modifié à 15h40. La première version, restée seulement 5h en ligne, disait ceci: «Je préfère toutefois ne pas révéler à hauteur de combien j’ai été dédommagée». La suivante: «Je n’ai pas été payée pour cela».
Ce n’est pas tout. Après avoir été mère porteuse, Mary Bailey a fondé son agence commerciale de mères porteuses. Lorsqu’on la contacte depuis la France, elle conseille… d’adhérer à l’association C.L.A.R.A. des Mennesson, et de contacter personnellement Sylvie Mennesson.
Que conclure?
À chacune, à chacun de se faire son opinion. À la lumière de ces faits , l’autrice de cet article est favorable à l’abolition de toutes formes de recours aux mères porteuses. Elle appelle surtout chacun.e à réfléchir sur l’utilisation faite du mot «altruisme» et du vocabulaire du don, qui sert ici à promouvoir le commerce du corps des femmes.
Nota Bene : L’autrice tient bien sûr à disposition toutes les preuves sur les faits cités.
Bonjour à vous,
Entièrement d’accord sur le principe de votre démonstration. Mais dans les faits, la GPA va arriver à plus ou moins brève échéance en France soutenue idéologiquement par une œuvre massive et tentaculaire de « prêt-à-penser » politique et éthique.
Alors pourquoi ne pas prendre les devants pour la GPA et la PMA avec donneur ? Mettre en place une GPA altruiste en France avant qu’une GPA commerciale ne s’impose à nous par la pression du « dumping moral » des pays proches ou lointains sous l’effet de la mondialisation ?
Je crains que nous ne puissions rien y faire, comme nous n’avons rien pu faire face à la PMA-sans-père.
Alors peut-être faut-il soutenir et imaginer des dispositifs qui permettraient à l’enfant de connaître tous ses parents lorsqu’il en a plusieurs : d’intention, génétiques, de gestation ?
Un grand pas a été franchi en ce sens par la mise en place d’un droit aux origines des enfants nés de PMA qui devront ainsi pouvoir lier un contact humain avec leur donneur.
Pour une GPA en France, la proximité géographique faciliterait le contact humain ultérieur avec l’enfant de même que celui entre les différents parents. Le fait d’être en France permettrait de s’assurer que toutes les conditions sont réunies.
Cordialement, Bruno Ginisti
Dans les faits, l’esclavage existe aussi. Y compris dans les pays développés. Et il y a même des personnes qui, si on leur posait la question, « consentiraient » à devenir esclaves. Si on n’essaie pas de réglementer l’esclavage, c’est que l’on considère qu’il est contraire à la dignité humaine. C’est une question de principe universel. Il en est de même pour la maternité de substitution. Réglementer, ce serait accepter la pratique en tant que telle. Nous considérons qu’elle n’est pas acceptable. Par ailleurs, partout où la pratique est légale, les règles sont transgressées. Partout. Sur le piège de la réglementation, l’argument est développé ici https://collectif-corp.com/2018/02/15/gpa-ce-que-reglementer-veut-dire/